La célébration de l’automne : Les fêtes antiques

Halloween approche et avec elle, la Toussaint et toutes ces réjouissances automnales. Mais comment réagissaient nos ancêtres à cette période de l’année, lorsque les récoltes se terminaient et que les jours raccourcissaient ? D’où viennent les fêtes que nous célébrons aujourd’hui ?

Pour ce nouvel article, je me suis intéressée aux fêtes célébrées au milieu de l’automne depuis les civilisations antiques européennes jusqu’à nos jours, afin de comprendre d’où viennent nos fêtes actuelles.

LES FÊTES ANTIQUES

Les celtes : la fête de Samain

La fête de l’automne à laquelle on pense en premier lieu est la fête celtique de Samain, célébrée par les peuples celtes aux alentours du 1er novembre (les gaulois, irlandais, écossais, mannois et bretons). Elle a inspiré de nombreuses fêtes actuelles : la Toussaint, le Jour des Morts, Halloween, el Día de Muertos… (voir le prochain article*).

Le calendrier liturgique celte nous est connu principalement par le calendrier de Coligny, qui date du IIe siècle et qui a été découvert en 1897.

Samain vise avant tout à célébrer la nouvelle année, qui commence au mois de novembre, et dont elle porte le nom : Samhain en irlandais, Samonios en gaulois. La fête n’appartient ni à l’année qui s’achève, ni à la nouvelle année, elle constitue un temps à part. En Gaule, elle se déroule sur trois jours (les Tri nox Samoni) : le premier jour est consacré à la mémoire des héros, le second à la mémoire de tous les défunts, et le troisième jour ont lieu les réjouissances populaires et familiales.

C’est aussi la célébration du début de la saison sombre, qui marque la fin des combats et des travaux agricoles. En cela, elle se rapproche de la fête romaine de l’October Equus*. La veille de la nuit de Samain, a lieu la célébration de la renaissance du feu : les propriétaires des maisons éteignent le feu de leur cheminée et le remplacent par les braises du feu sacré allumé sur la place du village par les druides, afin de constituer un nouveau feu jusqu’à l’année suivante. 

Bûcher, à l’image des feux de Samain, Pixabay, 2008

Enfin, cette fête est un passage entre le monde des humains et celui des morts. La nuit de Samain, les défunts viennent errer autour des maisons, on leur laisse donc des lanternes allumées pour les guider, la porte de la maison ouverte et une place à table.

À l’origine, il semble que Samain soit aussi l’occasion de rassembler les trois classes de la société (sacerdotale, guerrière et artisanale) lors d’une grande assemblée, peut-être pour voter des lois.

À partir du VIIIe siècle, la fête de Samain est progressivement remplacée par les fêtes catholiques de la Toussaint puis, dès le XIe siècle, du jour des Morts. Mais elle est encore attestée par des usages locaux jusqu’au XXe siècle. En Bretagne, par exemple, on laisse encore à cette époque une bûche allumée et de la nourriture pour guider les morts la veille de la Toussaint. En Grande-Bretagne, en Irlande et en Bretagne, les enfants sculptent des navets, des betteraves ou des rutabagas pour en faire des lanternes, destinées soit à guider les esprits, soit à éloigner les mauvaises fées (Ecosse).

En Irlande, ces traditions locales sont exportées au XIXe siècle par les migrants en Amérique du Nord et popularisées au cours du XXe siècle, pour devenir la fête actuelle d’Halloween*.

Nos ancêtres français et anglo-saxons ont donc célébré l’automne avec des usages hérités des celtes, malgré l’importance croissante de la religion chrétienne, jusqu’à une période très contemporaine.

Actuellement, un regain d’intérêt pour les traditions celtiques a même relancé la célébration de Samain : plusieurs festivals celtes ont lieu le 31 octobre en Bretagne, en Irlande et en Grande-Bretagne.

Citrouilles d’Halloween, Pixabay, 2010

Samain est la fête antique la plus proche de nos pratiques actuelles, mais les peuples qui occupaient l’Europe durant l’Antiquité avaient des usages similaires à l’approche de l’hiver.

Les germains (scandinaves, occidentaux et orientaux) : les offrandes à Odin

Les fêtes germaniques anciennes nous sont restées inconnues, à l’exception de la fête de Yule qui se déroule lors du solstice d’hiver.

Mais la mythologie scandinave atteste de l’importance d’Odin (Wōdanaz en proto-germanique, Wotan en allemand), le dieu des morts, de la victoire, et du savoir, mais aussi le patron de la magie, de la poésie, des prophéties, de la guerre et de la chasse. À ce titre, il est célébré à l’automne jusqu’à l’ère moderne, notamment en Saxe par le biais d’une offrande lors des récoltes : un coin du champ non coupé, une partie des récoltes, ou jusqu’au XVIe siècle une libation de bière.

Rappelant les croyances celtes lors de Samain, les scandinaves estiment également qu’Odin se déplace dans le ciel avec l’armée des morts lors des tempêtes automnales.

Les peuples germains abandonnent progressivement leurs rites païens à mesure des conquêtes du Ve siècle. Mais cette thématique des morts se retrouve dans les régions germaniques jusqu’à nos jours, avec des pratiques similaires à celles de Samain. L’approche de l’hiver et le retour des défunts continuent à être une préoccupation en Allemagne, en Moselle, en Autriche et en Suisse alémanique, où on creuse des lanternes dans des raves pour effrayer les passants ou pour guider les défunts (voir le prochain article*).

  • Régis Boyer, Mythes et religions scandinaves, Paris, Riveneuve éditions, 2012
  • Georges Dumézil, Mythes et dieux de la Scandinavie ancienne, Gallimard, 2000
  • Dumézil, Georges, Les Dieux des Germains, PUF, 1959
  • Robert-Jacques Thibaud, Dictionnaire de mythologie et de symbolique nordique et germanique, Éditions Dervy, 2009

Les romains et les grecs : l’October equus et les Pyanopsia

Chez les grecs comme chez les romains, l’automne n’est pas la période la plus importante de l’année, contrairement aux celtes. Mais ces deux civilisations célèbrent toutefois la fin des récoltes en octobre-novembre, parmi leurs nombreuses fêtes religieuses.

Pour célébrer la fin de la saison des récoltes et des campagnes militaires, les romains organisent le 15 octobre le cheval d’octobre (October equus), depuis au moins le IIIe siècle avant JC.

Une course de chars se déroule sur le Champ de Mars puis le cheval de droite du char vainqueur est sacrifié et immolé sur l’autel de Mars.

Sa queue est coupée et égouttée sur le foyer de Vesta, déesse du foyer de Rome. Sa tête est elle aussi coupée, ornée d’une guirlande de pains et disputée entre les habitants du quartier de la Sacra Via et ceux de Suburre. Elle est accrochée au monument du quartier et devient un gage de purification et de prospérité pour l’année à venir.

  • Georges Dumézil, Fêtes romaines d’été et d’automne, suivi de Dix Questions romaines, Gallimard, 1975
Course de chars, bas-relief découvert à Montbrison, 2ème siècle, Lugdunum – Musée & Théâtres romains de Lyon, ©Jean-Michel DEGUEULE

Les grecs célèbrent également la fin des récoltes par des offrandes à Apollon lors des Pyanopsia, vers octobre-novembre. En tant que dieu de la lumière, protecteur des semences et dieu guérisseur, entre autres, on lui offre un plat de fèves et d’autres légumes issus des premières récoltes.

Ils organisent aussi une procession de rameau, souvent une branche d’olivier ou de laurier, parés de nombreux fruits et de petites jarres de miel, d’huile et de vin (l’eiresione). Cette branche est portée jusqu’au temple d’Apollon par un garçon dont les parents sont tous les deux encore vivants.

Comme chez les romains, la branche reste accrochée au temple pendant un an, en signe de protection. Les maisons sont également ornées de branches similaires.

Ces célébrations disparaissent avec la conquête de la Grèce par l’Empire romain puis la christianisation de ce dernier, dès le IVe siècle. Elles n’ont donc pas d’équivalent actuel, mais elles témoignent de l’importance de célébrer la fin des récoltes et des campagnes militaires pour les Grecs et les Romains, et de s’assurer la protection divine pendant l’hiver.

  • Anne-Marie Buttin, La Grèce classique, Belles Lettres, collection « Guide des civilisations », Paris, 2000
L’Apollon du Belvédère, copie romaine en marbre d’un original grec en bronze attribué à Léocharès, Ier-IIe siècle EC, Wikipédia

Les hébreux : Roch Hachana (en septembre ou début octobre)

L’automne constitue pour les hébreux l’occasion de célébrer la nouvelle année civile, à une date qui fluctue au cours du mois de septembre ou au début d’octobre.

La fête dure deux jours. Elle débute par la sonnerie de la corne de bélier, qui invite les individus à la repentance. Cette période de repentance dure dix jours et s’achève à la fête de Yom Kippour.

Durant Roch Hachana, de grands repas sont organisés, avec des aliments symbolisant l’année heureuse que l’on espère.

De nos jours, cette fête est toujours célébrée par les juifs et elle témoigne de l’importance de la nouvelle année, fixée là aussi à l’automne.

  • Ernest Gugenheim, Le judaïsme dans la vie quotidienne, coll. Présences du judaïsme, éd. Albin Michel, Paris, 1992
Les pommes au miel, spécialité de Roch Hachana, Alliance, 2018

Les peuples antiques d’Europe ont donc accordé une certaine importance à l’automne. Cette période de fin des récoltes et de début de l’hiver donnaient lieu à des rituels visant à remercier les divinités pour les récoltes passées, à s’assurer un hiver serein et le retour prochain des beaux jours, mais aussi à célébrer les défunts à cette période où la nuit devient plus longue.

Ces rites ont évolués mais ilsont été pratiqués par nos ancêtres, jusqu’à être toujours présents dans les fêtes que nous célébrons aujourd’hui. Le prochain article traitera des fêtes actuelles qui s’inspirent de ces rites.

NB : Je me suis intéressée aux rites pratiqués en Europe occidentale, mais des célébrations automnales ont existé dans de nombreuses civilisations du monde, autour de ces mêmes thématiques.

Image de couverture : courges d’automne, Pixabay, 2018

2 commentaires

  1. Bravo pour cet article très intéressant. Ici dans la région Zurichoise, il y a la tradition des Räbechilbi ou Räbeliechtli où les enfants sculpent les raves pour en faire des lanternes et des cortèges se forment (souvent des écoles ou des associations de quartiers) pour un petit défilé dans les quartier ou les villages. Vous en parlerez sûrement dans votre prochain article. ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *