Un grand-oncle Résistant : Léon RUELLE

En 2016, après avoir consulté la liste en ligne des 600 000 dossiers d’homologation FFI publiée par le Service Historique de la Défense (SHD), je découvrais que mon grand-oncle Léon RUELLE avait fait partie de la Résistance.

Ma grand-mère, sa belle-sœur, m’avait confirmé qu’il s’agissait bien de lui. Elle et mon grand-père le savaient mais ils n’en avaient jamais parlé.

J’avais donc fait une demande sur le Fil d’Ariane pour obtenir son dossier administratif et une vingtaine de jours plus tard, j’avais à ma disposition les photos des 30 pages du dossier.

La famille de Léon

Léon est né le 24/11/1921 à Landrecies, dans le Nord. Il a une sœur aînée née en 1920, et un frère cadet né en 1925 (mon grand-père).

Ses parents, Alphonse RUELLE et Marie Athénaïse DUBAIL, ont tous les deux divorcé en 1920 d’un premier mariage. Ils se marieront en 1922 à Landrecies, où vit la famille.

Léon a aussi trois demi-frères issus des précédents mariages de ses parents, mais je ne suis pas sûre qu’il les ait connus.

Il passe toute son enfance et son adolescence à Landrecies avec ses parents, sa sœur et son frère.

L’engagement dans les FTP

Lorsque débute la Seconde Guerre Mondiale en 1939, Léon a 18 ans.

En avril 1943, à 21 ans, il s’engage dans le mouvement des Francs-tireurs et partisans français (FTPF ou FTP).

C’est un groupe de lutte armée qui a été créé fin 1941 par la direction du Parti communiste français (PCF), parti devenu clandestin en 1940. Les FTP sont chargés des missions de guérilla et de sabotage organisées par le Front National, qui s’adresse à tous ceux qui veulent lutter pour l’indépendance de la France.

Les FTP s’ouvrent aux non-communistes dès avril 1942. A partir de 1943, de nombreux jeunes sont prêts à s’engager dans la Résistance et les FTP en profitent largement. C’est à cette période que Léon s’engage dans le mouvement.

Les FTP s’organisent en petits groupes, souvent d’une trentaine d’hommes au maximum. Léon appartient à la 27ème Compagnie des FTP, et plus précisément au groupe 402 Simoun, basé à Landrecies. Ils organisent notamment des déraillements de trains, des attaques contre les installations électriques et des vols d’armes allemandes.

Extrait du certificat de validation des services, campagnes et blessures des déportés et internés de la Résistance de Léon Ruelle. Service Historique de la Défense

Les premiers mois : distribution de journaux et acheminement d’armes

A partir de son adhésion au groupe en avril 1943, Léon distribue des tracts et des journaux clandestins : le Nord Libre et le Patriote de l’Avesnois, publiés par le Front National. Ces journaux visent à rallier la population aux mouvements de résistance, mais aussi à résumer les actions des FTP. En effet, certains bandits font attribuer leurs actes au nom des FTP afin de rester impunis, et le Front National doit les démentir.

Léon récupère également des armes et des munitions et effectue des liaisons entre Landrecies, Bousies et les environs. Il n’est pas précisé où il récupère les armes, mais peut-être déjà au camp allemand Bismarck comme il le fera lors des prochains mois.

En août 1943, il est arrêté dans une rafle par la gendarmerie allemande. Parfois, la police allemande est informée des lieux de rendez-vous des Résistants et arrête tous ceux qui s’y présentaient.

Léon est conduit à la caserne Biron de Landrecies mais il parvient à s’en évader le jour-même.

La caserne Biron, Landrecies, construite en 1740. Source : http://landrecies.free.fr/biron.html

La suite de son engagement : recrutements, approvisionnements et vols d’armes allemandes

Entre septembre 1943 et février 1944, Léon effectue des recrutements pour le groupe Simoun.

Il approvisionne également les réfractaires et les illégaux en tickets d’approvisionnement fournis par l’Etat-major de Maubeuge. Les réfractaires sont ceux qui se soustraient au STO (service de travail obligatoire), institué par le Reich et le régime de Vichy pour fournir la main d’œuvre nécessaire à l’effort de guerre allemand.

Plusieurs fois, il dérobe des armes et munitions au camp Bismarck. Les Allemands ont en effet installé deux camps dans la région, pour y entreposer des armes et défendre le secteur de la Sambre : le camp Bismarck dans la forêt de Mormal, sur un site déjà existant, et un nouveau camp construit dans le massif de Bois-l’Evêque. Léon assure le transport de ces armes vers Maubeuge via Landrecies.

Il transporte également des outillages destinés au sabotage des installations allemandes et constitue un dépôt d’armes.

L’arrestation de 1944

Ainsi, Léon effectue plutôt des activités de logistique au sein des FTP.

Cela ne l’empêche pas de se faire arrêter par la police de Vichy, le 27/02/1944, suite à une dénonciation. Il a alors 22 ans. Depuis l’automne 1943, la répression allemande est de plus en plus forte.

Léon est interrogé dans la gendarmerie de Landrecies et subit des coups de pied, de poing et de matraque. Il est transféré le lendemain à Avesnes-sur-Helpe et interrogé deux nouvelles fois. Le 04/05, il est emmené à la prison de Cuincy-Douai. Il est condamné deux jours plus tard à 5 ans de réclusion, 5 ans d’interdiction de séjour et 1200 francs d’amende.

La prison de Cuincy-Douai. Source : La Coupole. Association AJPN

A partir du mois d’août 1944, les Allemands transfèrent de plus en plus de prisonniers de Cuincy et d’Arras vers la prison de Loos. De là, des convois de trains sont organisés pour les envoyer dans les camps de concentration allemands. Ces convois sont dus à la progression alliée, les Allemands ne souhaitant pas que leurs prisonniers tombent aux mains des Alliés. En 1944, plus de 360 prisonniers sont déportés en Allemagne afin de purger une peine supérieure à 9 mois.

Par chance, Léon ne fait pas partie des prisonniers transférés. En effet, depuis le 24/12/1943, les affaires instruites par la police française sont laissées à la justice française, et les prisonniers sont incarcérés à la section française de Douai. Léon ayant été arrêté par la police de Vichy, il reste incarcéré à la prison de Cuincy-Douai.

Le 01/09/1944, les services de résistance s’organisent afin d’évacuer les prisons du Nord. C’est à cette occasion que Léon est libéré. Il sera resté 6 mois en prison. Il a échappé aux bombardements alliés (qui préparaient la Libération), et surtout, aux déportations vers l’Allemagne. Le 01/09, un dernier train part de la gare de Tourcoing avec environ 900 détenus à son bord.

Le lendemain, Léon rejoint son groupe à Landrecies. Du 01/09 au 05/09, Les FFI participent à la Libération du Nord et constituent de véritables auxiliaires pour la 3ème Division blindée américaine. Le 03/09, Léon se rend à Le Quesnoy, dont la zone est encore occupée par les Allemands. Il participe à la Libération de cette région aux côtés des Américains. Son dossier de Résistant mentionne même qu’il rentre à Landrecies sur un char américain.

La Libération de Maubeuge par les Américains, 02/09/1944. La Voix du Nord, 2014

Jusqu’au 01/10/1944, Léon patrouille dans la zone de Landrecies et Le Quesnoy et effectue des opérations de nettoyage et de reconnaissance. Il capture plusieurs prisonniers allemands et participe à leur surveillance.

C’est à cette date que se termine l’engagement résistant de Léon, après un an et demi passé au sein des FTP dont six mois d’emprisonnement. Il a désormais 23 ans et doit se réintégrer dans la société civile. Il deviendra maçon et résidera toujours dans la région de Landrecies.

Les Chroniques du Temps, 2018

Sources

Service Historique de la Défense : liste des 600 000 dossiers d’homologation FFI, dossier administratif de Résistant

Blog Histoire et Généalogie : Où chercher des dossiers de résistants

Le Fil d’Ariane : entraide généalogique

Merci à Jacques MIGNOT de m’avoir envoyé le dossier complet de Léon si rapidement

Laurent THIERY, La répression allemande dans le Nord de la France, 1940-1944, Presses universitaires du Septentrion, 2013

Anonymes, Justes et Persécutés durant la période Nazie dans les communes de France (AJPN) : la prison de Cuincy-Douai

Musée de la Résistance de Bondues : Guide de l’exposition « La Liberté guidait leurs pas », 2013, Document d’étude sur la Libération du Nord-Pas-de-Calais, 2013

Landrecies : la caserne Biron

Encyclopédie Larousse : les FTPF

Wikipédia : les FTPF, la forêt de Mormal, le camp militaire d’Ors

Image principale

Pixabay, la rue Coquerez de Lille, typique de l’architecture du Nord en briques

3 commentaires

  1. Ping :Guerre 39-45 dans le Nord | Pearltrees

  2. Formidable, j’ai également cherché le dossier de mon grand oncle qui faisait du groupe arrêté suite au vol de munition au camp Bismarck en juillet 44
    sebastien_caverne

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