Les VEIS de Moselle : Jacques, instituteur du XIXe siècle

Dans un article précédent qui parlait de Jacques WEISS, j’ai évoqué sa famille et ses migrations, mais très peu sa profession. Pour rappel, Jacques était instituteur, un métier nouveau au XIXe siècle après le développement des écoles laïques. Un métier très différent des instituteurs d’aujourd’hui.

La formation des instituteurs

Jusqu’en 1940, il existe plusieurs manières d’être instituteur en école primaire, principalement en fonction des moyens de la famille (les études coûtent cher et plusieurs années d’études fait que l’on ne peut pas aider ses parents dans leur activité professionnelle). Les différentes formations sont résumées dans le schéma suivant :

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Après l’école primaire, achevée avec l’obtention du certificat d’études primaires, plusieurs voies sont possibles. Le cursus dit « populaire » est l’enseignement primaire supérieur. Il est dispensé soit par des cours complémentaires à l’école primaire, qui s’achèvent par le brevet élémentaire, soit par les écoles primaires supérieures, qui font passer le brevet supérieur. Le cursus « bourgeois » est l’enseignement secondaire qui dispense le certificat d’études secondaires ou le baccalauréat. Il est plus cher et plus long, donc moins accessible.

Pour devenir instituteur directement après l’école, il faut posséder au minimum le brevet élémentaire. Dans ce cas, on devient d’abord remplaçant, avant de pouvoir devenir titulaire. On peut aussi suivre une formation de 3 ans dans une école normale. On obtient alors un brevet de capacité pour l’enseignement primaire avant de devenir titulaire. Les écoles normales recrutent sur concours très sélectif, même s’il est en théorie accessible pour les candidats qui ont le certificat d’études primaires.

Le dossier d’instituteur de Jacques WEISS (Archives départementales de Meurthe-et-Moselle, W710/52) est une vraie mine d’or. Il nous renseigne sur sa carrière complète d’instituteur.

Il semblerait qu’il ait étudié 6 mois à l’école normale de Metz avant la guerre de 1870. Mais après l’Annexion et son émigration, il ne retourne pas dans une école normale. Il étudie dans une école libre de Lille, qui est une école privée sous contrat avec l’État. Jacques passe son brevet élémentaire à Rouen en 1879. Le brevet élémentaire reste son seul diplôme pendant toute sa carrière, complété par une mention de la langue allemande passée en 1887 à Nancy.

De nombreux changements de poste

Arrivée en Meurthe-et-Moselle

Jacques enseigne tout d’abord dans une école congréganiste de Lens, entre septembre 1870 et août 1873 puis entre août 1880 et août 1881. Il a entre-temps été professeur d’allemand à Paris pendant 3 ans. Il se rend ensuite en Meurthe-et-Moselle où il enseigne à l’École professionnelle de l’Est de Nancy et au collège de Lunéville entre 1881 et 1882. Ce sont deux écoles secondaires où il est professeur de mathématiques et enseignant spécialisé. En octobre 1882, il épouse Élisa Eugénie CHIR, originaire de Nancy où il réside depuis quelques mois.

Il devient ensuite instituteur titulaire et enseigne à l’école primaire mixte de Charey. C’est lui qui a demandé à revenir dans l’enseignement public. Il conserve ce poste pendant 5 ans. Charey est un village d’environ 300 habitants situé dans le nord-ouest de la Meurthe-et-Moselle, à environ 55 km de Nancy. Jacques accueille entre 32 et 41 enfants selon les années. Ce nombre correspond à la norme sous la IIIe République, où les classes comportent le plus souvent entre 40 et 60 enfants.

Demande de changement de poste

Dès 1884, des différends avec le maire du village, dont il est le greffe de mairie, lui font demander une mutation. Les enseignants cumulent souvent les charges en étant engagés au sein de la mairie ou de l’église de leur village. Il évoque également son faible salaire, qui est à l’époque de 900 francs par an. En province, un instituteur en début de carrière gagne entre 1000 et 2000 francs par an, ce qui est inférieur au salaire d’un ouvrier. Sans son poste de greffier, qui lui a été retiré par le maire, Jacques WEISS possède donc bien un faible revenu. De plus, entre 1883 et 1887, il devient père de 4 enfants.

Sa demande de mutation, qu’il réitère à plusieurs reprises, est également motivée par l’insalubrité de son école et de son logement. Au XIXe siècle, la salle de classe fait le plus souvent partie du logement du maître, et en constitue même parfois l’unique pièce à vivre. Cela semble être le cas pour Jacques puisqu’il évoque sa pièce à vivre unique.

En 1888, Jacques obtient une mutation à Montenoy, village situé à environ 50 km de Charey et plus proche de Nancy. Il a entre 29 et 47 élèves à sa charge. La population du village est presque similaire à celle de Charey : il compte 233 habitants en 1888. Cette fois, il exerce la charge de secrétaire de mairie pendant toutes ses années à Montenoy ainsi que celle de chantre jusqu’en 1895. Sa rémunération fixe passe à 1000 francs puis 1200 francs, sans compter son revenu accessoire de chantre et secrétaire de mairie (entre 150 et 400 francs). La famille s’agrandit puisqu’Élisa Eugénie accouche de 4 autres enfants. Le dernier naît en 1894.

Dernières destinations

En 1898, Jacques est instituteur à l’école de garçons de Saulxures-lès-Nancy, village situé juste à côté de Nancy. C’est dans cette commune qu’il termine sa carrière en y exerçant pendant près de 21 ans. Le village compte environ 400 habitants et la classe de garçons comporte, selon les années, 18 à 30 élèves. Son salaire fixe passe à 1500 francs en 1900 puis 1800 francs en 1904. Durant les dernières années, il évolue de 2200 francs en 1912 à 2600 francs en juillet 1914. Le niveau de vie de Jacques a donc évolué, cependant il a 7 enfants à loger et dont les études se déroulent à Nancy. En 1904, il fait plusieurs demandes de poste pour se rapprocher encore davantage de Nancy, pour ses enfants qui ont de longs trajets. Mais il n’obtient pas de nouveau poste.

Jacques prend sa retraite en 1918 à l’âge de 67 ans. Il a passé 48 ans dans l’enseignement. Il réside à Saulxures-lès-Nancy puis à Flavigny-sur-Moselle avec son épouse et ses enfants qui quittent progressivement le foyer.

Jacques WEISS décède en juillet 1943.

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Sources

Archives départementales de Meurthe-et-Moselle

Dossier d’instituteur de Jacques WEISS, W710 /52

Actes d’état civil

BUSSER Elisabeth, « Les examens en France de la IIIe à la Ve République », Tangente Education, n°8, avril 2009, p.4-5 (disponible en ligne sur http://infinimath.com/espaceeducation/tangenteeducation/articles/tge_08_a1.pdf)

« Monsieur l’instituteur », Nos Ancêtres, Vie & Métiers, n°19, mai-juin 2006, Revigny-sur-Ornain, Martin Média

« Pour une éducation populaire », Nos Ancêtres, Vie & Métiers, n°19, mai-juin 2006, Revigny-sur-Ornain, Martin Média

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89cole_normale_primaire, article Wikipédia sur les Ecoles normales et la formation pour devenir instituteur, 2013, consulté le 09/03/2017

Image principale : Pixabay

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